Jeunes et e-cigarettes : une tendance alarmante
Le groupe de recherche 'Mijn gedacht' de l’Université d’Anvers a récemment mené une étude auprès de plus de 11 000 jeunes âgés de 15 à 18 ans, en Flandre et à Bruxelles. Il ressort de cette étude que 11 % des jeunes utilisent des e-cigarettes chaque semaine, et parmi eux, 8 % le font quotidiennement. Ce chiffre est étonnamment élevé par rapport au nombre de jeunes qui indiquent fumer quotidiennement (4 %).
Le professeur Guido Van Hal, du département de médecine générale et de santé publique de l’Université d’Anvers, revient pour nous sur les étonnants résultats de cette étude.
La mode des e-cigarettes
« Les e-cigarettes sont relativement nouvelles sur le marché, mais la cigarette électronique a bien vite supplanté la cigarette traditionnelle. Par le passé, nous avons vu la tendance selon laquelle la cigarette de tabac perdait lentement du terrain au profit des joints ; nous constatons aujourd’hui que ce sont les e-cigarettes qui jouent désormais ce rôle », indique le professeur Van Hal.
Nous voyons une différence dans les comportements des jeunes par rapport au tabac en fonction du type d’établissement scolaire* fréquenté. « Les jeunes des écoles de l’enseignement professionnel utilisent des e-cigarettes davantage au quotidien (16 %) que les jeunes des établissements traditionnels (4 %) et mixtes (9 %). Nous observons également ce phénomène chez les adultes, où les personnes avec un statut socio-économique moins élevé (notamment avec un niveau d’éducation moins avancé) fument plus souvent. Il est important que le gouvernement tienne compte de ce groupe vulnérable lorsqu’il élabore des mesures. »
Idées reçues sur les e-cigarettes
Il ressort de l’étude que les jeunes ont un certain nombre d’idées reçues sur le tabagisme et les e-cigarettes. Par exemple, ils considèrent que les risques liés aux e-cigarettes et au tabagisme sont faibles. « C’est inquiétant, a fortiori quand on sait que ces deux produits contiennent des substances nocives », réagit le professeur Van Hal. « Cette idée reçue est en partie explicable d’un point de vue psychologique et sociologique : les jeunes pensent que les conséquences négatives sur la santé ne les affecteront pas (‘syndrome de Superman’), et ils sous-estiment (in)consciemment le risque afin de justifier leur comportement (dissonance cognitive).
« Par ailleurs, les jeunes surestiment le nombre de personnes de leur âge qui utilisent des e-cigarettes chaque semaine. Ils estiment ce nombre à 60 % par semaine, alors qu’en réalité, 11 % des jeunes utilisent des e-cigarettes chaque semaine », poursuit le professeur Van Hal. Cela peut amener les jeunes à penser que les e-cigarettes sont ‘la norme’, ce qui fait qu’ils franchiront eux-mêmes plus facilement le pas en commençant à les utiliser.
Les résultats de l’enquête montrent à quel point il est important d’engager un dialogue avec les jeunes et de leur communiquer les bons chiffres. Nous pouvons ainsi corriger leurs idées reçues sur l’e-cigarette et tenter d’éviter que des jeunes ne commencent à les utiliser.
Les dangers des e-cigarettes (chez les jeunes)
Le professeur Van Hal souligne que nous ne connaissons pas encore les risques à long terme des e-cigarettes sur la santé. Une étude publiée récemment dans un article du journal Tobacco Control a néanmoins montré que les e-liquides contiennent des métaux lourds tels que le plomb, ce qui représente une menace potentiellement grave pour la santé des jeunes. L’exposition au plomb peut entraîner chez les jeunes des dommages neurologiques, des retards de développement et des troubles du comportement.
L’utilisation (expérimentale) d’e-cigarettes avec de la nicotine, ouvre la porte à une possible dépendance à la nicotine. Pour les jeunes encore plus que pour les adultes. Leur cerveau reste en effet en développement (jusqu’à l’âge de 25 ans environ) et est donc beaucoup plus sensible à l’effet gratifiant de la nicotine, ce qui fait que les jeunes développent beaucoup plus rapidement une dépendance. Il y a en outre de sérieuses indications montrant que la consommation de nicotine peut entraîner des changements durables dans des cerveaux qui ne sont pas entièrement développés. La prudence est donc vraiment de mise.
Continuer à prendre des mesures spécifiques pour les e-cigarettes
Ces chiffres frappants montrent que des mesures sont nécessaires pour lutter contre cette tendance chez les jeunes. « La Belgique a déjà franchi des étapes dans la bonne direction avec un interdiction des e-cigarettes jetables à partir de 2025 et l’interdiction d’exposition des produits de tabac, mais cette approche devrait aussi couvrir les produits avec des arômes tels que la barbe à papa et la crêpe. Big Tobacco, qui a la main sur une grosse partie de l’industrie des e-cigarettes, cible délibérément les jeunes avec ces arômes sucrés et attrayants », explique le professeur Van Hal.
D’autres mesures possibles comprennent l’augmentation du prix des produits des e-cigarettes et l’élargissement des zones sans tabac et sans e-cigarettes, en particulier pour les lieux fréquentés par de nombreux enfants et jeunes. L’utilisation du matériel de signalisation de Générations sans Tabac donne la possibilité de fumer et d'utiliser des e-cigarettes hors de la vue des enfants et des jeunes. Car « voir fumer, incite à fumer », et cela vaut également pour les e-cigarettes.
« Arriver à une génération sans tabac et sans e-cigarettes est un objectif important, surtout si cette évolution se fait de manière positive et encourageante. » Il faut éviter de stigmatiser et de pointer du doigt les jeunes qui utilisent des e-cigarettes, et plutôt privilégier le dialogue et les bonnes informations.
Merci au professeur Van Hal pour sa très pertinente interprétation des résultats de cette étude !
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*Note – L’étude fait une distinction entre trois types d’établissements, pour la Flandre et Bruxelles : établissements traditionnels (enseignement général, technique ou artistique), établissements mixtes (enseignement technique ou artistique), établissements professionnels (enseignement professionnel).